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Théories sur l’Armure Matelassée chez les Vikings

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À la demande de plusieurs personnes du milieu de la reconstitution historique qui sont intéressés par la guerre au début du Moyen-Âge, mes collègues Roman Král, Jan Zajíc, Jan Bělina, et autre ainsi que moi-même avons décidé d’écrire un article qui offrirait une vision d’ensemble sur l’utilisation de l’armure matelassée et de tissus au début du Moyen-Âge. Sachant qu’il n’existe aucune preuve archéologique, nous sommes obligés de spéculer et de discuter autour de références incertaines, d’iconographie et d’expérimentation personnelle. Dans cet article, nous allons formuler une liste de différentes hypothèses de conception.


Le besoin de rembourrage sous l’armure de mailles

Une scène de la Tapisserie de Bayeux, vers 1070 ap. J-C

L’armure de mailles est constituée d’anneaux de métal interconnectés. Il est logique que la maille et possiblement d’autres types d’armure furent utilisés avec un rembourrage. La maille, qui était le type d’armure le plus courant en Scandinavie, offre une bonne protection contre les coupures et répartit efficacement la force d’un coup. Si elle était portée sans rembourrage, un coup au corps pourrait néanmoins causer des dégâts externes et internes. Pour l’Époque Viking (et également tout au long du début du moyen-âge), le rembourrage n’est jamais directement mentionné comme faisant partie de l’équipement de combat (qui est nommé gerðar, herváðir et herklæði). Le même constat s’applique pour les illustrations existantes (voir Archer 2013) – l’armure reposant proche du corps et les vêtements sous celle-ci ne sont que peu visibles. Un rembourrage comme couche sous l’armure à pu facilement être négligée, mais plus significativement – quand l’armure était illustrée – le rembourrage pouvait ne pas être important pour l’artiste ou la personne regardant l’illustration; malgré le fait qu’il s’agit d’un élément tout aussi important de l’armure. Cependant, il existe des illustrations contemporaines d’armure européenne dans lesquelles le matelassage est montré (voir Skodell 2008), et nous allons essayer de montrer les parallèles entre le matelassage contemporain d’Europe de l’Ouest et le Nord de l’Europe.


Le matériau du rembourrage

La meilleure protection contre les coups se présente sous la forme de couches de tissus et/ou de cuir. Sur la scène européenne de reconstitution, la tendance actuelle est de fabriquer des gambesons de tissus qui font quelques cm d’épaisseur, mais la recherche (voir Archer 2014) suggère que deux épaisseurs de textile ou une combinaison de textile et de cuir était utilisé. L’iconographie, montrant l’armure proche du corps, donne de la crédibilité à cette hypothèse. Nous avons validé l’utilisation de quelques couches de laine (jusqu’à trois couches) en combat moderne (Eastern Style); le guerrier n’est pas restreint dans ses mouvements et est relativement bien protégé contre les épées. Les haches et les lances, en contrepartie, sont problématiques en raison de la force qu’ils génèrent à l’impact. D’une manière similaire, nous avons validé l’utilisation d’une couche plus mince de laine feutré

Les sagas et d’autres sources, incluant le Livre du Hird (Hirðskrá) et le Miroir du Roi (Konungs skuggsjá), mentionnent une armure de textile du nom de treyja et panzer/panzari (Falk 1914: § 87 + § 90; 181 – 182, 185 – 186). Les deux mots furent introduits dans la vieille langue norroise à partir du Moyen Bas Allemand et donnent leur nom aux gambisons à multiple couches de lin du haut moyen-âge et du moyen-âge tardif (Hjardar – Vike 2011: 194–196). Sur la Tapisserie de Bayeux, les armures sont tant simplifiées qu’elles peuvent représenter de la maille, des écailles, des lamellaires ou même des gambesons, qui sont cousus de manière verticale ou en diamant. Dans tous les cas, cela peut être lié à la professionnalisation des armées au 11è siècle.


Style 

Dánové
L’attaque de la ‘’Grande Armée Danoise’’, du mansucript M.736, fol. 9V, vers 1130 ap. J-C

Déterminer quel style de rembourrage était utilisé est probablement la question la plus difficile à répondre, car il nécessite une connaissance des vêtements de l’époque. Il peut être assumé que la forme des vêtements n’était pas constante partout où les Scandinaves se sont installés. Aussi, il peut être imaginé qu’il y a eu des améliorations progressives, par exemples le renfort de parties individuelles et l’augmentation du nombre de couches avec le besoin de rembourrer l’équipement.

La plupart des héros dans les Sagas des Islandais combattaieraient sans armure, ce qui peut être interprété comme étant le fait qu’ils ne pouvaient s’offrir une armure de qualité ou qu’ils ont agi de manière trop spontanée pour penser à se protéger. Cependant, à partir de deux exemples extrêmes (Helgi, le héros de la Vápnfirðinga saga, qui s’attacha une grosse pierre au torse pour éviter de se blesser, et Þóri Þorsteinsson, le combattant de Hakon le Bon et vétéran de la Bataille de Fitjar, qui découpa un trou dans une peau de vache pour se la mettre au dessus de la tête), on peut constater une tendance à l’improvisation ad hoc et la tendance à ne pas porter d’armure au combat. Dans certains cas, les guerriers des Sagas portent des tenues festives avant le combat; dans les moments les plus dramatiques de leurs vies, la mode était plus recherchée qu’une bonne protection. Les illustrations Franques et Anglaises du 10è/12è siècle représentent une grande variété de guerriers vêtus seulement de chapeaux et de tuniques. Il est raisonnable d’assumer que le rembourrage était identique aux vêtements civils typiques, et que leur fonction de protection venait de leur superposition. Cela signifie donc qu’on portait des tuniques classiques (kyrtill/skyrta), un vêtement descendant jusqu’aux genoux sans boutons ou d’attaches, avec des manches longues. L’ouverture au cou aurait pu avoir un col pour protéger le cou, comme pour les tuniques de Skjoldehamn et de Guddal. De la même manière, les manteaux (Klappenrock) ou les kaftans plus orientaux avec des boutons auraient pu, évidemment, avoir la même fonction.

Add. MS 24199 fol. 18
Cotton Ms. Cleo. C VIII, fol. 18V, fin du 10è siècle

Cette solution est illustrée dans quelques sources. La première est une illustration de la version Anglo-Saxonne de la Psychomanie de Prudence (voir l’image), qui date de la fin du 10è siècle. Dans cette enluminure, on peut y voir deux combattants : des danseurs en courtes armures de mailles aux bordures ciselées et portant une sous-tunique se rendant jusqu’aux genoux et les poignets. La même solution apparaît dans plusieurs manuscrits du 10è et 11è siècle (voir par exemple une scène du Livre des Maccabées de Saint Gallen, Sacramentaire de Fulda, l’Évangélilaire d’Or d’Echternach, la Vie de Saint Aubin et la Bible de Stavelot). Il existe également des références littéraires mentionnant des textiles portés sour l’armure, notamment la Saga de Magnus le Bon (chapitre 29), qui dit que ‘’le Roi Magnus jeta son haubert de mailles, et avait une tunique de soie rouge au dessus de ses vêtements [ok hafði yzta rauða silkiskyrtu] […].”

Předpokládaná rekonstrukce bojovníka uloženého v Gjermundbu, 10. století. Podle
Une reconstitution possible de l’équipement retrouvé dans Grav I de Gjermundbu. Pris dans Hjardar – Vike 2011 : 155.

Cette courte citation nous oblige à imaginer un rembourrage constitué de plusieurs couches de tuniques. Nous utilisons personnellement cette solution et elle permet au porteur d’ajouter ou d’ôter à sa guise des couches, nettoyer les tuniques séparément et finalement d’utiliser les tuniques individuellement dans un contexte autre que le combat. Deux trouvailles archéologiques Norvégiennes – Skjoldehamn et Guddal – possèdent des paires de tuniques, ce que nous avons prouvé de façon expérimentale être une bonne protection contre le froid ainsi qu’un bon rembourrage à porter sous la maille.

On peut également s’imaginer que le rembourrage peut être constitué de tuniques cousues ensemble, montrant que le matelassage est un type de vêtement spécialement conçu pour l’utilisation martiale et qui trouve difficilement une utilité dans une autre situation que le combat. Il est souvent débattu que des sources Byzantines décrieraient un rembourrage similaire au gambison. Le Strategikon mentionne que les tuniques portées sous la maille varie en qualité, allant du lin aux poils de chèvre ou à la laine brute (Adams 2010: 98). Un traité anonyme sur la stratégie du 6è siècle apporte un témoignage intéressant :

Il devrait également y avoir de l’espace entre l’armure et le corps. Elle ne devrait pas être portée directement au dessus des vêtements ordinaires, comme certains font pour réduire le poids de l’équipement, mais au dessus d’un vêtement d’au moins un doigt d’épaisseur. Il y a deux raisons pour ceci. Là où il touche le corps, le métal ne va pas l’irriter mais viendra plutôt reposer confortablement sur le corps. De plus, il aide à éviter que les flèches des ennemis viennent percer la peau […].” (The Anonymous Byzantine Treatise on Strategy, §16, ed. G. T. Dennis )

En Scandinavie, la présence d’un tel vêtement est dénommé treyja, ce qui signifie que ce type de vêtement à utilisation spécifique à commencé à être utilisé à une période plus tardive (11è/12è siècle et ultérieurement), mais en raison des sources disponibles, nous ne pouvons ni accepter ni rejeter cette hypothèse de façon certaine à 100%. Nous ne pouvons qu’admettre que les deux variantes sont possibles. L’épaisseur de ce vêtement spécial pourrait être autour de 1cm. Pendant la fabrication d’un tel objet, nous recommandons de ne pas utiliser de rembourrage excessif, et de seulement coudre les épaisseurs aux extrémités.

Armures avec une possible doublure intégrale. Scène de la Tapisserie de Bayeux. Vers 1070 ap. J-C

L’iconographie Scandinave suggère que la longueur de la protection rembourrée était adaptée à la longueur de l’armure de mailles. Il est même possible d’imaginer une protection intégrée à la maille, comme semble montrer la Tapisserie de Bayeux; on y voit des armures transportées sur des lances, sans personne les portant sur eux-même et avec de larges bandes colorées aux ouvertures, possiblement de manière à suggérer que le rembourrage était d’une façon ou d’une autre intégrée à l’armure elle-même. Des scènes sur la bordure de la tapisserie montrent également des armures étant retirées d’hommes qui sont visiblement nus sous celle-ci, suggérant encore une fois un rembourrage intégré à la maille. La Psychomanie de Prudence et d’autres enluminures contemporaines, cependant, montrent l’inverse. Avec quelques exceptions, on peut dire que jusqu’au début du 11è siècle les Scandinaves utilisaient probablement des armures de mailles plus courtes, d’une longueur d’environ 70cm et à manches courtes. Des éléments de maille, comme une protection au niveau du cou et des jambes, sont inexistantes. Au cours du 11è siècle, on observe que l,armure devient de plus en plus longue en raison de l’influence continentale qui a culminé jusqu’à l’utilisation de l’armure complète.

Nous sommes fortement opposés à l’utilisation de rembourrage moderne, qui est cousue de façon aléatoire et qui ressemble plus à des vêtements en lambeaux ou d’esclaves. Le rembourrage – peu importe comment il était constitué – se devait d’être agréable esthétiquement pour démontrer le statut de son propriétaire. Certains reconstituteurs et organisateurs de festivals disent que puisqu’il n,y a pas de source, toutes les versions sont possibles. Le but que nous, reconstituteurs, devrions atteindre est d’avoir un visuel le moins dérangeant en lien avec ce que nous pouvons voir ou lire dans les sources disponibles. Maintenant, comparons le style de combat de reconstitution moderne nommé Eastern Style avec le Western Style. Le Western moderne (exemple) est un style de combat où les coups à la tête ne sont pas autorisés et où la force des coups est bien moindre. Ce style de combat possède si peu de risque qu’il autorise aux combattants de ne pas utiliser d’armure et donc de préserver un visuel historique. En contrepartie, les combats de Eastern (exemple) se concentrent plus sur le fait de donner des coups puissants sur des cibles protégées, un système qui est illogique du point de vue historique. Traditionnellement, le style Western peut autoriser une simple tunique comme protection suffisante, là où il est recommandé de porter plusieurs couches pour le style Eastern. Le résultat que nous recherchons est un niveau de protection qui ait un visuel historiquement acceptable dans les deux styles, mais avec une quantité différente de couches. Plusieurs fois, nous avons combattu dans des batailles en style Eastern avec rien d’autre qu’une tunique, sans armure; le combat s’est transformé en lutte pour notre survie, un sentiment très réaliste qui donne au corps une grande quantité d’adrénaline pour essayer d’ignorer les coups d’armes. Plusieurs tuniques, cousues ensemble ou non, peut être un bon compromis entre ces deux approches extrêmes.


Reconsitutions

Nous sommes d’avis que l’image que projettent les reconstituteurs est cruciale dans la tenue de la reconstitution. Nous tentons de produire un article de qualité, mais nous ne pouvons pas nous exprimer pleinement sans. De ce fait, vous pourrez voir ci-bas une sélection de photos. Nous espérons que cette sélection s’agrandira dans le futur. Si vous avez des images avec l’équipement approprié, vous pouvez, bien sûr, nous les envoyer et nous allons les publier.

Nous pensons que le problème à été ignoré trop longtemps, et les champs de bataille d’aujourd’hui sont remplis d’armures non-historiques qui ressemblent plus au Bonhomme Michelin. Afin de changer la norme actuelle, la discussion à été ouverte et, dorénavant, nous sommes ouverts aux commentaires et sommes partant d’animer d’autres débats. Cet article à eu une bonne réception et une suite, ‘’Experimentation – Manteau de Guerre’’ à été écrit. Le plus important à citer de cet article est : ‘’Je pense que pour un combattant itinérant, il est peu pratique de transporter à la fois des vêtements civils et une protection supplémentaire spécifique au combat. Il est bien plus avantageux de combiner ces deux besoins en un.’’


J’espère que vous avez aimé lire cet article. Si vous avez des questions ou des commentaires, s’il-vous-plaît contactez moi ou laissez en commentaire sous l’article. Si vous souhaitez apprendre plus et supporter mon travail, vous pouvez financer mon projet sur Patreon ou Paypal.


Bibliographie et liens importants

The Anonymous Byzantine Treatise on Strategy. In: Three Byzantine Military Treatises, ed. a trans. George T. Dennis, Washington 1985: 1–135. Available at: https://oniehlibraryofgreekliterature.files.wordpress.com/2015/09/three-byzantine-military-treatises-by-george-t-dennis.pdf.

Saga of Magnús the Good (Magnús saga góða). Available at: http://www.heimskringla.no/wiki/Sagan_af_Magn%C3%BAsi_g%C3%B3%C3%B0a.

ADAMS, Noël (2010). Rethinking the Sutton Hoo Shoulder Clasps and Armour. In: Entwistle, Chris – Adams, Adams (eds.). Intelligible Beauty: Recent Research on Byzantine Jewellery, British Museum Research Publication 178, London, 83-112

ARCHER, Gavin. Mail Shirts, in: The Viking Age Compendium, 2013. [online]. [ 2015-02-03]. Available at: http://www.vikingage.org/wiki/index.php?title=Mail_Shirts.

ARCHER, Gavin. Jacks and Gambesons, in: The Viking Age Compendium, 2014. [online]. [2015-02-03]. Available at: http://www.vikingage.org/wiki/index.php?title=Jacks_and_Gambesons. See the bibliography in the end.

FALK, Hjalmar. Altnordische Waffenkunde, Kristiania 1914.

HJARDAR, Kim – VIKE, Vegard. Vikinger i krig, Oslo 2011.

SKODELL, Henry. Schutzausrüstung des 11. Jahrhunderts in Mitteleuropa, in: Reenactment.de, 2008. [online]. [2015-02-03]. Available at: http://www.reenactment.de/reenactment_start/reenactment_startseite/diverses/kitguide/kitguide.html.

Roman subarmalis – thoracomachus – online.

The oldest gambeson from Bussy-Saint-Martin – online.

The reconstruction of quilted gambeson from the 13th century – online.

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